Le paradoxe de la chasteté

Faut-il jouir sans entraves ?

Pour moi, la chasteté masculine est un mode de vie, alors que d’autres la voient comme une pratique sexuelle. En effet, je vois que beaucoup d’hommes y viennent pour améliorer leur sexualité. Ce qui pose une question : qu’est-ce qu’un homme peut trouver excitant à laisser le contrôle de ses orgasmes ? Comment peut-il trouver du plaisir à ne pas jouir autant que possible ?

Pour les nouveaux qui ne me connaissent pas : je pratique la chasteté masculine avec mon mari Guillaume depuis quelques années. Nous avons des rapports réguliers mais seulement quand je le propose, et il porte une cage de chasteté la plupart du temps. Il relève actuellement le défi de Locktober !

Le fait de laisser volontairement le contrôle de ses orgasmes à sa femme, en portant une cage de chasteté, peut sembler être le contraire même d’une pratique sexuelle. Et pourtant, il y a bien une différence avec la chasteté ou l’abstinence volontaire des moines : c’est le contrôle pratiqué par celle qui gerde les clés.

Je ne parlerai pas ici de ceux qui veulent pratiquer la chasteté pour des raisons de soumission, car ce n’est pas une raison nécessaire. Dans le cadre d’une relation égalitaire et fondée sur le respect mutuel, je vois plusieurs raisons qui peuvent pousser les hommes à tenter l’expérience de la chasteté.

Chasteté, motivation et satisfaction

Dans un couple qui pratique la chasteté masculine, l’alternance entre la privation et la récompense crée un cycle qui peut renforcer le désir de porter la cage. Par exemple, la libération sexuelle après une longue période de chasteté a été vécue par mon mari comme quelque chose qui sort de l’ordinaire et qu’il a voulu vivre à nouveau. Autrement dit, essayer la chasteté, c’est l’adopter !

En plus de cela, quand l’orgasme masculin devient une récompense qui est délivrée de manière imprévisible ou différée, ça fait monter encore plus l’attente et donc l’excitation par rapport à quelque chose d’attendu, ou de quasi-automatique comme le sexe du week-end chez beaucoup de couples. En pratiquant la chasteté, l’orgasme masculin devient quelque chose de plus rare, presque un privilège, ce qui le rend plus intense.

Tout ça nécessite une confiance réciproque et une communication efficace dans le couple, et voilà pourquoi à mon sens un couple qui pratique la chasteté sera plus durable s’il est égalitaire.

L’excitation du renoncement

Une source majeure de plaisir au quotidien dans la chasteté masculine est donc le transfert du contrôle à sa partenaire. D’après mon expérience, c’est dû surtout au fait que l’anticipation devient un plaisir en soi (cela me fait penser à la citation de Clémenceau qui disait que “le meilleur moment de l’amour, c’est quand on monte l’escalier”)…

Un homme qui porte une cage de chasteté aura certes moins d’orgasmes que ce qu’il aurait pu avoir par lui-même, mais cette réduction ne fait qu’allonger la période de tension sexuelle, qui est elle-même source d’excitation. L’attente amplifie le désir, laisse travailler l’imagination et l’anticipation, ce qui rend la libération encore plus gratifiante.

Une autre raison, qui peut parler à certains, est que la cage libère du fardeau de la performance sexuelle. Il ne faut pas oublier que les hommes subissent aussi les clichés patriarcaux sur la virilité : déléguer la responsabilité de sa sexualité peut donc être libérateur. Je pense aussi que si certains érotisent la chasteté, c’est un peu par réaction à une sur-sexualisation de la société, et à un impératif de maximiser sa jouissance au détriment des relations humaines.

La valorisation du couple

En recevant le pouvoir de décider des orgasmes de mon mari, je me sens valorisée, ce qui équilibre les rôles si l’on se place dans une société patriarcale. Mais c’est avant tout le couple qui s’en trouve renforcé. En pratiquant la chasteté de manière consensuelle et positive, le bien-être du couple augmente.

Céder le contrôle de son plaisir sexuel à sa partenaire est un acte de confiance qui renforce l’intimité dans la relation. Les émotions positives que l’on crée ensemble permettent de forger un lien unique, où le plaisir vient de la relation elle-même plutôt que d’un acte sexuel isolé. Le plaisir devient autant émotionnel et relationnel que physique.

Le paradoxe de la chasteté masculine, celui du plaisir ressenti malgré une réduction de la quantité d’orgasmes, s’explique donc par le plaisir trouvé dans l’anticipation et par l’intensification des liens du couple. Je pense que la cage de chasteté crée une forme de plaisir unique qui repose sur deux choses : donner le contrôle à autrui, et rendre la gratification moins immédiate et plus significative.

En une phrase : se priver pour mieux se délivrer.

Et si le plaisir était dans l’attente, et pas dans l’atteinte ?